Culture 28 avril 2020
Star Citizen ou la revanche des Geeks
C’est officiel, le jeu vidéo le plus cher de l’histoire est une simulation spatiale ! Il s’appelle Star Citizen et a déjà coûté la bagatelle de 338 millions de dollars. Lorsque l’on sait que l’ancien détenteur de ce record n’est autre que le monstre GTA V à “seulement” 278 millions de dollars, on se dit que ce record est… astronomique. Et si le spatial était à la mode ?
Star Citizen est un jeu de simulation spatiale massivement multijoueur. L’intrigue se déroule 930 ans après notre ère et le jeu offre une liberté incroyable qui vous permettrait de vous balader dans près d’une centaine de systèmes stellaires, dans l’espace comme à la surface des planètes. Le jeu se construit petit à petit et semble avoir un potentiel quasi infini. Créé en 2012, il n’a cessé de recevoir des fonds pour continuer à évoluer et à s’agrandir. Et l’engouement des joueurs semble indiquer que l’aventure n’en est qu’à ses débuts. Star Citizen a aujourd’hui deux destins : soit celui de devenir le meilleur jeu de tous les temps, soit le plus grand flop. Mais on ne va pas s’intéresser ici aux aspects techniques du jeu qui seront très bien décrits par nos confrères mais plutôt au fond.
Car ce qui pourrait n’être qu’une anecdote vidéo-ludico-financière, est en réalité un véritable big bang. Derrière ces histoires de gros sous se cachent deux tendances. La première est que cela vient sceller la légitimité du jeu vidéo en tant qu’industrie de divertissement de premier plan, au même titre que le cinéma. Longtemps considéré comme une pratique de nerds (comprenez, de niche), jouer aux jeux vidéo a été pendant des années vu comme une activité secondaire. Mais bonne nouvelle, ce n’est aujourd’hui plus ringard. C’est même devenu cool ! Il y a encore quelques années, on ne se l’avouait pas trop. On glissait à demi mot que “oui ça m’arrive de faire quelques parties de temps en temps”. Petit à petit, on se lâche et les titres des jeux que l’on possède deviennent presque une forme d’expression identitaire.
La deuxième tendance, sur laquelle on va s’attarder un peu plus, c’est que le spatial est lui aussi en train de devenir “mainstream”. Pour les allergiques de l’anglais, on parle ici d’une chose devenue grand public. Certes, le spatial a toujours nourri notre paysage culturel. Citons à titre d’exemple les monuments du cinéma que sont Alien (1979) ou 2001 L’Odyssée de l’espace (1968). Aujourd’hui, on ne compte plus les blockbusters qui traitent du sujet. En quelques années, Hollywood a déployé l’artillerie lourde, à grands renforts de Ryan Gosling et George Clooney. On a assisté à une pluie de plus ou moins grands films spatiaux. Gravity en 2013, Interstellar en 2014, First Contact en 2016, First Man en 2018 (on se mélangerait presque les pinceaux au niveau des noms), Passengers en 2016, Seul sur Mars en 2015, Hidden Figures en 2016, Ad Astra en 2019, Life en 2017 etc. Mais cette folie ne s’est pas arrêté aux portes d’Hollywood, la vague a même déferlé jusqu’en Russie (Salyut-7 en 2017) ou en France (Proxima en 2019).
Ce phénomène peut trouver une explication dans la “peopolisation” de certains astronautes. En France, Thomas Pesquet est devenue une véritable star lorsque d’autres astronautes français comme Michel Tognini n’étaient, à l’époque où ils volaient, connus que par les puristes du milieu. A grands coups de comm et de selfies, les astronautes d’aujourd’hui se sont taillé une place dans la cour des stars. Mais surtout, ils sont devenus accessibles aux yeux du grand public.
Cet engouement pour l’espace a récemment pris une tournure un peu plus commerciale, notamment avec le soixantième anniversaire de la mission Apollo célébré l’année dernière. La célébration du premier Homme sur la Lune a convaincu certaines marques de collaborer avec la NASA. Dans le secteur de la mode d’abord, Vans et Nike en ont profité pour sortir de nouvelles baskets Apollo. Côté jeu, Lego a également laissé, dans son catalogue, plus d’espace à… l’espace (la rédaction tient à présenter ses plus plates excuses pour ces jeux de mot plus que moyen, c’est déjà le deuxième). En deux ans, la célèbre marque danoise a créé une magnifique fusée Saturn V et une reproduction de la Station Spatiale Internationale (ISS). Aucune des deux n’est vendue à l’échelle on vous rassure…
Enfin, et c’est presque le plus important, le spatial est porté depuis quelques années par l’émergence irrésistible du new space. L’arrivée de ces sociétés privées (SpaceX, Blue Origin etc.) dans un secteur longtemps chasse gardée des agences nationales s’inscrit dans un contexte de course martienne. La planète rouge est devenue la cible prioritaire du monde spatial, sans que les acteurs n’osent se l’avouer. Une chose est sûre, l’engouement pour le spatial est comme l’univers de Star Citizen : il croit sans cesse et devrait continuer à le faire jusqu’à ce que l’on pose le pied sur cette planète.