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Rosetta, la fin d’un long voyage

Cette fois-ci c’est fini. La célèbre sonde spatiale Rosetta a émit son dernier signal le 29 septembre dernier. Pour la première fois, l’Homme envoyait une sonde sur une comète avec pour objectif de découvrir l’origine de la vie. Retour sur une épopée européenne vieille de plus de vingt ans qui a marqué l’histoire de la conquête spatiale…

A moins d’avoir vécu dans une cave ces dernières années, tout le monde a déjà entendu parlé de la mission Rosetta. Lancée en 2004, cette sonde spatiale a parcouru 6,5 milliards de kilomètres pour rencontrer la comète 67P Churyumov-Gerasimenko, « Tchouri » pour les intimes. Cette comète nous vient du fin fond du système solaire et se dirige vers le Soleil.
Puisqu’elle se dirige vers le Soleil, pourquoi être allé la chercher si loin de nous ? La réponse est simple : en se rapprochant de notre étoile, la comète, principalement composée de gaz, de glace et de roches fond et son activité change. Les scientifiques préféraient étudier la comète avant que les gaz qui s’en échappent ne soient trop violents ou qu’elle ne se disloque. Lorsque l’activité de la comète s’accroit, ces dégazages deviennent très puissants et risqueraient d’expulser la sonde.

Les comètes, vestiges du système solaire et du passé

Pourquoi les comètes intéressent-elles tant les scientifiques ? Tchouri s’est formée il y a 4 milliards d’années, à une époque où le Soleil n’était même pas encore formé. La plupart des comètes qui traversent notre système solaire trouvent leur origine dans les confins de notre système, dans la ceinture de Kuiper (30 UA du Soleil, 1 Unité Astronomique égale 149 597 870 000 mètres) ou plus loin encore, dans le nuage d’Oort (environ 20 000 UA du Soleil). De temps en temps, des comètes présentes dans ces ceintures d’astéroïdes se détachent et filent vers notre Soleil. C’est ce qui est arrivé à 67P, que l’ESA a sélectionné pour cette mission. Certaines petites lunes de Pluton pourraient d’ailleurs être en réalité des comètes qui ont été capturées par la planète naine.

Une comète comme Tchouri est restée à une température de -200°C pendant des milliards d’années, ce qui lui a permis de transporter des informations qui viennent de très loin dans l’espace et très loin dans le temps. Depuis plusieurs années, nous pensons qu’une partie des molécules présentes sur Terre ont été apportées par des comètes. En analysant avec précision ces drôles d’astres, les scientifiques espèrent donc trouver des informations sur l’origine de notre système solaire.

La comète Tchouri en forme de canard © ESA
La comète Tchouri en forme de canard © ESA

67P, une comète comme les autres ?

Comme la plupart des comètes, Tchouri est extrêmement poreuse et composée à trois quarts de vide. Sa surface est parsemée de reliefs, dont la diversité est impressionnante pour un corps aussi petit. On y trouve des puits de 30 à 50 mètres de diamètre et 30m de profondeur formés par des éjections de gaz. « Contrairement à ce que l’on avait tendance à penser, les cratères à la surface de Tchouri n’ont pas été créés par des bombardements de météorites. Ces fosses sont des sortes de dépressions dues à l’effondrement de sommets. C’est le vide créé par la disparition de glace en profondeur qui entraine ce phénomène. C’est un processus immuable qui perdure jusqu’à épuisement de la glace et qui peut durer plusieurs millénaires. » explique Francis Rocard, responsable du programme d’exploration du système solaire au CNES.

En fait, la comète accumule de la glace sur son côté non exposé au Soleil. A une température proche du zéro absolu, la comète gèle instantanément. Cette glace se transforme ensuite en gaz et en vapeurs à cause du réchauffement du au Soleil.

Rosetta, un défi technologique

La route vers la comète n’a pas été un trajet direct, loin de là. Pour économiser du carburant et lui permettre d’atteindre son but, Rosetta a effectué deux fois le tour de la Terre et une fois le tour de Mars pour profiter de l’assistance gravitationnelle des deux planètes. En clair, elle se comporte comme une fronde pour accroitre sa vitesse. Une bonne partie du carburant a en revanche été utilisée pour ralentir la sonde.
En 2014, la mission marque une étape importante : la sonde Rosetta largue son lander Philae à la surface de la comète. La vitesse d’arrivée sur la comète est primordiale : trop vite on rebondit et on repart vers l’espace. Mais tout ne se passe pas comme prévu. En effet, lors de l’atterrissage la sonde rebondit plusieurs fois avant de se stabiliser dans un creux entre quelques roches, inclinée sur le côté.

« Le choix d’un lieu d’atterrissage a été compliqué » estime Francis Rocard. « La forme assez particulière de la comète a été un véritable cauchemar pour trouver un lieu d’atterrissage convenable. Elle a un peu une forme de sabot, il y a dissymétrie des deux hémisphères : elle est étroite au milieu et plus large aux deux extrémités. »

Les équipes au sol ont réussi à anticiper des manœuvres à des distances très différentes du Soleil et à gérer des opérations sur la comète elle-même. L’ensemble des systèmes logiciels de Rosetta sont d’ailleurs contrôlables depuis la Terre. Avant chaque maneouvre, les instructions sont d’ailleurs toujours testées au sol. Compte tenu de la distance énorme qui nous sépare de la comète, les informations qui nous viennent de Rosetta mettent 40 minutes à nous atteindre.

Représentation de l'atterrisseur Philae posé sur la comète 67P, avec la sonde Rosetta orbitant autour Philae et Rosetta © CNES/ESA
Représentation de l’atterrisseur Philae posé sur la comète 67P, avec la sonde Rosetta orbitant autour Philae et Rosetta © CNES/ESA

Des avancées scientifiques majeures

L’instrument ROSINA développée par le CNES, l’agence spatiale française, a été l’une des expériences clés de la mission Rosetta. Son objectif était de déterminer la composition de la coma (la queue de la comète) et de l’ionosphère, mais aussi de tenter de connaître avec précision la température, la densité et la vitesse du gaz cométaire. ROSINA a trouvé quelques acides aminés comme la glycine, une molécule prébiotique qui entre dans la composition du vivant.
Mais cette découverte d’acide aminés s’est accompagnée d’une grande surprise scientifiques. En observant les vapeurs, les instruments à bord ont permis de découvrir une diversité chimique incroyable : de l’ammoniac, du méthanol et même de l’eau ! Au total, on compte plus de 60 gaz différents. D’un point de vue chimique, cette eau est très différente de celle que l’on peut trouver sur Terre. Les acides aminés trouvés sur la comète sont issus de grins de glace interstellaires. De l’oxygène a même été observée, coincée dans de la glace.

Vue de la comète à une distance de 8km © ESA
Vue de la comète à une distance de 8km © ESA

Une quantité phénoménale de données

L’ESA avait deux choix : laisser Rosetta en orbite autour de Tchouri ou faire écraser la sonde sur la comète. Ils ont préféré la seconde option qui leur a permis d’accumuler des informations pendant la phase de descente, se rapprocher ainsi des puits et des parois rocheuses. Par ailleurs, au moment du contact, un capteur situé à bord de la sonde a coupé net ses systèmes de bord, dont l’émetteur radio qui lui permettait de communiquer avec la Terre. Le but était, conformément à la loi, de libérer une fréquence radio pour des missions spatiales futures et éviter de brouiller les communications.
Aujourd’hui, les scientifiques regroupent et trient les données amassées pendant la mission. Ils en ont récolté suffisamment (14 000 heures de contact avec les antennes au sol, des millions de Gbits de données) pour s’occuper pendant au moins 25 mois. Malgré quelques problèmes lors de la phase d’atterissage du lander, les scientifiques européens sont parvenus avec Rosetta à relever un grand défi. Pour la première fois dans l’Histoire de l’humanité, une sonde spatiale s’est posée sur une comète.

 

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